L'apprentissage de l'orthographe n'est pas toujours un long fleuve tranquille et nombreux sont les parents qui s'inquiètent des erreurs (parfois très créatives) produites par leurs enfants à l'écrit. Mais par où commencer pour les aider dans cet apprentissage lorsque que surgit sur le papier une phrase telle que celle-ci : "Cet architete dessinne de beau plan." Par le "c" oublié dans "architecte", par les deux "n" de "dessinne", par le "s" et le "x" oubliés dans les "beaux plans" ? Pour s'y retrouver dans cette jungle, je vous propose de faire connaissance avec l'orthographe et ses trois niveaux. www.tempsreel.nouvelobs.com Les 3 niveaux de l'orthographeL'orthographe avec ses différents niveaux ressemble à ces belles maisons à étages d'Amsterdam. Sa disposition serait la suivante :
L'orthographe phonétiqueCommençons la visite avec l'orthographe phonétique. Il s'agit ici d'écrire les sons des mots que l'on entend (les phonèmes) avec des lettres (les graphèmes) : pour cela, il faut choisir les bonnes lettres et les agencer dans le bon ordre. Par exemple, le mot "moto" (phonétiquement [moto]) s'écrit moto. Avec cette stratégie, le mot "bateau" (phonétiquement [bato]) pourrait s'écrire bato. Cette orthographe est dite "phonologiquement correcte". L'orthographe phonétique des sons simples s'acquiert dès le début du CP et se consolide jusqu'en fin de CE1 avec les sons les plus complexes. Elle nécessite une bonne conscience phonologique, c'est-à-dire la capacité à découper les mots en syllabes et en phonèmes et à les manipuler. Celle-ci fait intervenir une mémoire spécifique (la mémoire phonologique de travail) qui permet de stocker temporairement des informations pour les manipuler. L'orthographe lexicalePassons au premier étage avec l'orthographe lexicale, aussi appelée "orthographe d'usage". Il s'agit de mémoriser des particularités orthographiques des mots. Par exemple, le mot "bateau" s'écrit avec "eau" et non pas avec "o". C'est là que les choses se compliquent car la langue française possède d'innombrables particularités orthographiques en raison de son histoire. Les lettres muettes, les consonnes doubles, les lettres étymologiques ou historiques, les emprunts à d'autres langues, et les graphèmes contextuels (par exemple, "on" qui devient "om" devant "m, b et p", ou encore "g" qui peut se prononcer [g] ou [j] selon la voyelle qui le suit) constituent une véritable jungle pour le jeune scripteur. Au secours ! www.super-julie.fr Ces particularités font de la langue française écrite une langue dite "opaque" contrairement à d'autres langues telles que l'italien ou l'allemand qui sont bien plus "transparentes" car elles s'écrivent comme elles s'entendent (ou presque). C'est pourquoi l'orthographe lexicale a fait l'objet de réformes par l'Académie Française pour être simplifiée. La dernière réforme de 1990, bien qu'elle reste facultative, vise à simplifier l'orthographe de 2400 mots (soit 4% du lexique). Chez l'enfant, l'orthographe lexicale se construit à partir de la fin du CP/du début du CE1. Elle poursuit son enrichissement tout au long de la vie car nous apprenons des mots nouveaux jusqu'à un âge très avancé. Vous l'aurez compris, cette orthographe nécessite d'autres compétences que l'orthographe phonétique car elle se nourrit de la pratique de la lecture et de l'écriture. Elle requiert pour son apprentissage un bon niveau de vocabulaire et des compétences visuo-attentionnelles. L'orthographe morphosyntaxiqueMontons encore d'un étage pour découvrir l'orthographe morphosyntaxique aussi appelée "orthographe grammaticale" dans le langage courant. A lecture de cette phrase, certain.e.s se sont déjà raidi.e.s, tant le mot "grammaire" peut éveiller de souvenirs douloureux (tout comme le mot "solfège" d'ailleurs...). En effet, parvenus à cette altitude orthographique, il va bien être question de règles de grammaire. De quoi s'agit-il ? Commençons par expliquer ce que les règles de grammaire ne sont pas : malgré les apparences, ces règles n'ont pas été inventées par l'homme pour se compliquer inutilement la vie. Bien au contraire, elles constituent un ensemble de "lois" qui régissent les relations entre les mots en fonction de leur nature et du sens de l'énoncé indépendamment de leur place dans la phrase :
L'orthographe grammaticale se met en place à partir du CE2 et finit par être acquise au cours du collège car l'ensemble des règles grammaticales est un ensemble fini contrairement à l'orthographe d'usage qui, comme nous l'avons mentionné plus haut, continue à se développer tout au long de la vie. La maîtrise de l'orthographe morphosyntaxique nécessite de bonnes compétences morphosyntaxiques à l'oral, l'automatisation des précédents niveaux d'orthographe (l'orthographe phonétique et lexicale) et d'importantes ressources attentionnelles. C'est pourquoi, elle reste parfois fragile et se révèle si sensible à la fatigue... La ponctuation et la formeTerminons la visite avec un coup d'oeil (et un clin d'oeil) dans les combles de la maison car l'écriture ne se limite pas à l'orthographe : la typologie est également importante. En effet, pour être compréhensibles, nos productions écrites doivent posséder une forme conventionnelle : c'est là qu'intervient la ponctuation qui apporte grâce à ses signes discrets clarté et confort au message. Les bases de la ponctuation s'acquièrent dès le CP avec le fameux adage " La phrase commence par une majuscule et se termine par un point" et son apprentissage se poursuit jusqu'au collège avec l'apprentissage des autres règles de typographie. Mais ceci est une autre histoire... Ainsi donc, il n'y a pas une seule orthographe mais plusieurs niveaux d'orthographe. Voilà qui je l'espère vous permettra de trouver des pistes pour aider votre enfant sur la route de cet apprentissage jusqu'au collège, en identifiant le ou les niveaux où se situent ses difficultés et en mettant au point une stratégie de relecture. Je vous donne rendez-vous dans un prochain article sur le thème de l'orthographe lexicale et vous souhaite en attendant de bonnes vacances divers... ou plutôt d'hiver ! ;) Pour en savoir plus
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"Dyslexie" voilà un mot que tout le monde connaît aujourd'hui. Mais on entend tellement de choses à son sujet qu'il est parfois difficile de s'y retrouver... Suite à la semaine de sensibilisation à la dyslexie organisée par la Fédération Nationale des Orthophonistes (FNO) du 21 au 27 janvier 2019, j'ai eu envie de rédiger un article simple répondant à 5 questions essentielles :
Apedys de Haute-Normandie 1) La dyslexie : qu'est-ce que c'est ?La dyslexie est un trouble spécifique de l'apprentissage de la lecture chez un enfant ayant bénéficié d'un enseignement du langage écrit. Ce trouble se caractérise par une difficulté à identifier les mots et/ou à les décoder les mots.
Alors, j'identifie ou je décode ? www.golem13.fr Mécanismes de lecture et types de dyslexiesIdentifier un mot est plus rapide que le décoder mais ces deux mécanismes sont complémentaires : j'identifie rapidement les mots que je connais déjà dans ma bibliothèque interne mais je dois recourir au décodage phonologique à chaque fois que je rencontre un mot nouveau. Une défaillance de l'un ou de l'autre mécanisme va donner des formes de dyslexie différentes :
Données de prévalenceOn estime aujourd'hui La dyslexie touche 3 à 5% de la population [1]. Ce chiffre est stable en France comme dans le reste du monde (et donc en Suisse). La dyslexie touche davantage les garçons que les filles mais les causes à la base de cette différence sont encore inconnues. www.lewebpedagogique.com La dyslexie, qu'est-ce que ce n'est pas ?En voilà une drôle de question... Pourtant, il est important de différencier la dyslexie d'autres problèmes. En effet, la dyslexie, ce n'est pas un simple retard d'acquisition de la lecture, ni un retard scolaire global, ni un trouble psychologique, ni un déficit intellectuel. Ni même une maladie. 2) Quelles sont les causes de la dyslexie ?Dans la classification internationale [2], la dyslexie appelée "trouble spécifique de l'apprentissage de la lecture" fait partie des troubles neurodéveloppementaux. Elle a donc quelque chose à voir avec le cerveau... Selon Franck RAMUS, Directeur de recherches au CNRS, les recherches actuelles en neurosciences montrent que "le cerveau des personnes dyslexiques présente des différences assez subtiles par rapport au cerveau des personnes non dyslexiques". La piste génétique est également explorée car 50% des enfants dyslexiques ont des antécédents familiaux. Dr. Michel HABIB, conférence à Toulouse, 2013 3) Comment prévenir et repérer la dyslexie ?Le diagnostic de dyslexie ne peut pas être posé avant que l'enfant apprenne à lire. La classification internationale [2] précise que le diagnostic ne peut être posé qu'à 3 conditions :
Il est néanmoins possible de déceler des facteurs de risques de la dyslexie avant l'entrée au CP : Un enfant avec un retard de langage oral présente "un facteur de risque de 80% de développer ultérieurement des difficultés d'apprentissage du langage écrit" [3]. En effet, un faible niveau de vocabulaire en maternelle aura des effet délétères sur la mise en place future du mécanisme d'identification rapide des mots. De même, des difficultés en phonologie (par exemple, pour segmenter un mot en syllabes) limiteront la mise en place du mécanisme de décodage phonologique à l'écrit. D'autre part, il est aujourd'hui possible de détecter la réduction de l'empan visuo-attentionnel dès la classe de grande section de maternelle grâce à des tests spécifiques [4]. Il est donc important de repérer les enfants qui présentent ces difficultés dès la maternelle et de leur proposer une stimulation/rééducation adaptée avant l'entrée au CP. www.naitreetgrandir.com 4) Comment intervenir auprès d'un enfant dyslexique ?Lorsque le diagnostic de dyslexie est posé, une rééducation orthophonique peut être proposée à l'enfant. Cette rééducation est construite sur mesure pour chaque enfant en fonction de ses points forts, de ses points faibles et de ses centres d'intérêt. Elle vise à :
www.defimedia.info 5) Comment accompagner l'enfant et sa famille ?Le parcours scolaire d'un enfant dyslexique est rarement un long fleuve tranquille... Bien souvent, l'enfant et sa famille nécessitent accompagnement et soutien. Les différents intervenants (orthophoniste, enseignant, médecin, autres rééducateurs, psychologue, associations de parents, administration, etc.) travaillent en partenariat pour que, malgré la dyslexie, l'enfant puisse s'épanouir à l'école, y suivre une bonne scolarité et développer son estime de soi. Il pourra s'agir de conseils, d'adaptations pédagogiques pour la scolarité et les examens, d'aides compensatoires techniques (par exemple, un ordinateur avec un logiciel spécifique) ou humaines, d'aides financières ou de soutien psychologique. www.dys-positif.fr Dans les cas les plus sévères, la dyslexie peut s'avérer un véritable handicap (même s'il est "invisible"). En France, il est possible de faire reconnaître ce handicap auprès des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) pour bénéficier de mesures spécifiques. Mais terminons sur une note plus légère : quel que soit la sévérité de la dyslexie, il est important de considérer l'enfant dans toutes ses potentialités. Nombreux sont les enfants dyslexiques qui ont réussi dans la vie et qui sont devenus des adultes épanouis. Ce n'est pas Christelle CHANTREAU-BECHOUCHE qui vous dira le contraire ! Son expérience personnelle avec la dyslexie et son livre "Le manuel de survie pour les parents (et les profs) pour mieux vivre au quotidien les troubles du langage et des apprentissages" vous donneront envie d'aller de l'avant avec humour et sérénité. www.livre.fnac.com Notes et références bibliographiques[1] Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : Bilan des données scientifiques, INSERM, Rapport d'expertise collective, 2007,
en ligne http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/73 [2] DSM-V : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 2015, Elsevier Masson [3] Exalang, C.THIBAULT et C. HELLOIN, 2010, HappyNeuron [4] Evadys, S. VALDOIS, E.GUINET, J-L. EMBS, 2017, HappyNeuron [5] Maisons Départementales des personnes handicapées www.mdph.fr [6] Le manuel de survie pour les parents (et les profs) pour mieux vivre au quotidien les troubles du langage et des apprentissages, C. CHANTREAU-BECHOUCHE et M. CARLIER, 2018, Josette Lyon |
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